mardi 15 juillet 2014

A L’Ecole de la nuit, de Louis Bayard

Je vous avais promis il y a déjà quelques semaines de vous parler du petit dernier de Louis Bayard (pas son dernier-dernier, en fait, mais le plus récemment n’est pas encore traduit). Effectivement, j’avais raté lamentablement la sortie du nouvel opus de Bayard en automne dernier, persuadée que le Cherche-Midi boudait ce maître du thriller historique. Livre lu, je vous le présente aujourd’hui.

J’ai entendu parler de A L’Ecole de la nuit il y a déjà un bon moment, alors que je préparais mon billet sur Louis Bayard et que je cherchais des infos sur son blog. Evidemment, après la lecture d’Un Œil bleu pâle, de La Tour noire et de L’Héritage Dickens, tous trois excellents, j’attendais avec une certaine curiosité (bon, je bouillais d’impatience) la sortie française de son petit dernier. Sauf que… bof. Et même franchement bof-bof. En toute honnêteté, si je n’avais pas eu le plus grand respect pour les œuvres précédentes de Mr Bayard, je n’aurais même pas pris la peine de chroniquer, de billetonner, bref, j’aurais laissé ma machine au repos, et le livre, dans un coin de ma bibliothèque (je vous ai parlé de ma nouvelle bibliothèque ?). Mais nous parlons de Louis Bayard, le type qui a réussi avec une égale virtuosité à ressusciter Tiny Tim, Edgar Poe et Vidocq. Je me sentais mal de le traiter par le mépris, mais je vous l’annonce, la rédaction de ce billet, au moment-même où elle s’opère, est au moins aussi douloureuse.

A L’Ecole de la nuit : L’histoire


Il s’agit ici pour l’auteur de flirter avec un thème récurrent (et même un peu trop) de la littérature fantastique et historique : l’alchimie.

Et d’ailleurs, je vais me permettre une brève parenthèse : l’alchimie m’emmerde. Ça fait déjà un bon moment que l’on sait que personne n’a réussi à changer ce fichu plomb en satané or, que l’homme parfait, c’est pas pour demain, et que les recoins les plus occultes des sectes les plus mal famées ne parviendront jamais à faire oublier ces échecs retentissants. Envelopper un flop de mystère n’efface pas le flop. Fin de la parenthèse.

Or donc, c’est l’histoire d’Henry Cavendish, un universitaire raté jadis foudroyé en pleine ascension, qui se retrouve, bien malgré lui, à endosser le rôle d’exécuteur testamentaire pour son ancien pote de fac, un drôle de zozo appelé Alonzo Wax. Alonzo Wax était un fabuleux collectionneur de livres rares, un trésor convoité par beaucoup, notamment Bernard Style, autre collectionneur de peu de scrupules. Très vite, les cadavres s’accumulent autour d’une mystérieuse chasse au trésor.

Pendant ce temps (ou pas, en fait), au XVIe siècle, Thomas Harriot, savant réputé et membre fondateur de la célèbre Ecole de la nuit, société secrète pourvoyeuse d’idées interdites, découvre l’amour dans les bras d’une jolie servante.

Quand Bayard cède à la facilité


L’air de rien, et même s’il possède quelques atouts fort sympathiques (Bayard est un pro, quoi qu’il arrive), le roman accumule au fil des pages certains des poncifs qui m’insupportent le plus dans la littérature contemporaine.

Le premier : l’héroïne. Aux côtés d’Henry Cavendish navigue une créature impossible. Une femme à la fois belle, aventureuse, intelligente, courageuse, talentueuse, avec un petit quelque chose de venimeux qui la rend, bien sûr, encore plus irrésistible. Bref, une femme qui n’existe pas, la parfaite création de roman placée ici, dirait-on, pour attirer les fans de Tomb Raider et les lecteurs en mal de romantisme. Le genre de personnage, vous l’aurez compris, qui me hérisse au plus haut point. A un tel degré, d'ailleurs, que j'ai purement et simplement oublié le nom de la divine acolyte.

Le second : Un premier mystère qui n’en est pas un, que vous découvrirez assez vite si vous lisez un tant soit peu en face des trous, et un second mystère authentique, mais révélé trop tard : tout le monde s’en fout. Dommage ! Ce mauvais timing ampute vraiment le roman d'une large part de son intérêt.

Le troisième : La mode énervante de la mise en parallèle de deux dimensions temporelles distinctes, sauf que, bien sûr, on sait, c’est évident, que le passé viendra bientôt enrichir le présent, franchement, on n’est pas nés de la dernière pluie. Oui. A tel point que le procédé est déjà usé jusqu’à la corde : le système de double fil narratif m’agace, parce qu’on sait toujours, même sans connaître les détails, comment et à quel moment seront révélés les points clés. Quand Louis Bayard emploie la mise en abîme, il est mille fois plus ingénieux.

Alors bien sûr, le roman n’est pas complètement, absolument mauvais. Bayard sait camper ses personnages, et l’intrigue qui se déroule au XVIe siècle ne manque pas d’intérêt. C’est que Bayard, semble-t-il, est décidément beaucoup plus à l’aise quand il raconte d’autres époques que la sienne. Le présent lui va mal. Ça tombe bien : son prochain roman se déroule à l’époque de la jeunesse de Theodore Roosevelt, et je vous en parlerai dès que possible.

A L’Ecole de la nuit, Louis Bayard (traduction de Pierre SZCZECINER), 2013, Le Cherche-Midi éditeur

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